fêtes des classes Bully

La tradition des classes : qu’est-ce que c’est ?

Lorsque je suis arrivée à Éveux il y a 10 ans, je restais un peu interdite devant des panneaux plantés au bord des routes avec des inscriptions à la main : « samedi 16 mai – vente de boudin des classes en 3 »

Je me demandais bien pourquoi on faisait vendre du boudin à de pauvres gosses. Et puis j’ai compris que les « classes » n’avaient rien à voir avec les écoles primaires mais faisaient référence à une « classe d’âge » et étaient liées à une tradition locale encore vivace, qu’on appelle également « conscrits ».

Et comme je constate que les personnes récemment arrivées se posent cette question, je me dis qu’il est temps d’expliquer ce phénomène.

Un peu d’histoire…

On ne peut pas parler des classes sans parler des conscrits. Le sens premier est celui du jeune homme qui se fait enrôler dans l’armée pour partir à la guerre.

De même, les personnes nées la même année étaient appelées sous les drapeaux en même temps et faisaient donc leurs classes en même temps. Ainsi une classe représente l’ensemble des personnes nées la même année.

Avant de partir à la guerre, les jeunes hommes appelés au front faisaient une fête appelée la fête des conscrits.

Cette tradition a continué d’exister dans certaines régions de France en se transformant.

La tradition a pris de l’ampleur à Villefranche-sur-Saône dans le Beaujolais : la fête commence le vendredi avant le dernier dimanche de janvier, soir où les conscrits défilent dans la rue Nationale déguisés, avec leurs chars, selon un thème général défini par l’Interclasse : c’est ce qu’on appelle la retraite aux flambeaux. Celle-ci se termine devant l’hôtel de ville, où les 20 ans se voient remettre les clés de la ville par le premier magistrat. Le dimanche, à 11 h, ils s’élancent du haut de la rue Nationale en smoking, avec leurs gibus, leurs rubans et un bouquet de mimosa à la main, bras dessus bras dessous par groupe de 5-6, pour la traditionnelle Vague. Puis le mardi soir, les 20 ans rendent les clés de la ville.

Cette tradition est une fierté pour la ville qui a même ouvert un musée. La tradition a été inscrite au patrimoine de l’humanité de l’UNESCO en 2021.

Et dans nos villages ?

Si la tradition est très codifiée à Villefranche – avec une polémique récurrente ces dernières années sur la non-participation des femmes – dans les petits villages du Beaujolais et du Pays de L’Arbresle, la tradition des classes revêt une toute autre signification. Il s’agit plus d’une fête intergénérationnelle destinée à créer des liens dans le village.

Pour les jeunes qui vieillissent (breaking news : les jeunes vieillissent!) et qui partent du village, les classes sont une bonne occasion de se retrouver régulièrement et garder le lien.

Pour les nouveaux arrivants, cela permet de rencontrer des gens en dehors de l’école qui est souvent le seul lieu de rencontre pour les nouveaux dans un village.

À éveux en 2023, nous avons eu la chance d’avoir une centenaire, encadrée par deux fringants 90 ans

La question que l’on va vous poser est la suivante : « Et toi, tu es de quelle classe ? »

Pour répondre à cette question, pas de panique, il suffit de donner le dernier chiffre de votre année de naissance. Vous pourrez alors répondre de manière ultra naturelle : « Je suis des 5 » si vous êtes né par exemple en 1975 ou 1985 ou 1945 ou 2005 bref vous avez compris le principe ?

La question qui peut devenir piège, si vous essayez de devenir de quelle décennie est la personne, et que vous lui mettez 10 ans de trop dans le cornet. (Mon conseil : visez 10 ans de moins, vous vous ferez plus facilement des amis).

Comment ça s’organise une fête des classes ?

Les 18 ans sont également de la partie, ne reculant devant aucune occasion pour faire la fête. On les reconnaît à leurs biberons (d’alcool) qu’ils ont autour du cou
Les 19 ans s’invitent à la fête avec un balais destiné à « balayer » les classards et prendre leur suite l’année d’après
Les 21 ans « enterrent » leurs classes. Bref entre 18 et 21 ans, c’est la fête chaque année.

Alors alors alors, ça dépend de quel village vous êtes, de la période, de plein de choses. Mais dans notre coin, voilà comment ça se passe.

La fête des classes est organisée chaque année par la classe qui correspond à l’année où la classe va changer de dizaine. La classe en 4 organise cette année la fête des classes puisque les gens de cette classe font fêter leur 10 ans, 30 ans, 100 ans …. Vous suivez toujours ?

Pour cela, ils doivent collecter de l’argent pour payer tout ou partie des festivités. C’est pour ça qu’ils organisent les mois ou l’année précédents des manifestations : la fameuse vente de boudins, mais aussi celle de brioches, une soirée dansante, un concours de pétanque, une soirée jeux de société…

Vente et dégustation d’huîtres et vin blanc un samedi matin d’hiver : l’occasion d’animer le village et de collecter un peu d’argent pour financer les festivités de la « fête des classes ».

Il y a souvent un petit noyau dur d’organisateur et des personnes qui prêtent main forte ponctuellement : il faut faire des réunions, des apéros, se concerter : autant d’occasions de collaborer et de se connaître, qu’on ait 20 ans ou 80. C’est pour cela que la fête des classes est vraiment le symbole de l’intergénérationnel.

À eveux, les réunions pour préparer les animations des classes sont des apéros sympathiques… on joint l’utile à l’agréable

Le jour J

À Bully pour les classes, on dégaine le grand jeu !

Selon les villages et les personnes chacun interprète la tradition et l’adapte en fonction des envies et du nombre de personnes impliquées.

Par exemple à Éveux, village de 1200 habitants proche de L’Arbresle, accessible facilement en transports en commun, il y a beaucoup de nouveaux arrivants donc la tradition n’est pas très présente. En 2023, on a réussi à mobiliser du monde en réunissant les classes en 2 et celles en 3 pour arriver à avoir un peu de monde.

À Bully, la tradition est bien ancrée et la fête des classes mobilise tout le village, avec un défilé où chaque classe a customisé un char pour sa décennie.

En 2024 les gibus ont été remplacés par des bérets à Bully qui avait choisi le thème de la féria

En tout cas le planning reste similaire dans tous les villages. On se retrouve le samedi ou le dimanche le matin pour une session photo dans un parc ou dans le village.

Puis il y a la messe : l’occasion cocasse de croiser des gens déguisés dans une église.

La messe des classes reste un moment festif même s’il y a également des moments plus graves,

Il y a également la tradition du dépôt d’une gerbe aux monuments aux morts et un moment de recueillement.

Puis le défilé dans le village, moment festif par excellence.

À Chevinay, le char est prêt pour le défilé dans le village avec souvent musique batucada ou fanfare et fumigènes.

Après le défilé, place au vin d’honneur généralement offert par la mairie avant le repas des classes. Les classards peuvent en général inviter leur famille au repas.

Le vin d’honneur est en général offert par la mairie

Et le soir il y a en général une soirée dansante.

Moment d’émotion à Éveux lorsque « notre » centenaire esquisse quelques pas de valse

Conclusion ?

La tradition des classes évolue mais perdure dans certains villages : l’occasion de rencontrer des personnes qu’on n’aurait pas eu l’occasion de croiser, de tisser des liens, de mieux connaître l’histoire de son village, et de passer des moments de convivialité toute l’année. Bref, les classes, je valide !

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