J’ai découvert qu’à quelques mètres de chez moi (Éveux donc), il y avait la célèbre coquille du chemin de Saint-Jacques de Compostelle. En fait, je l’ai vue depuis longtemps mais je ne me suis jamais vraiment posé la question de sa signification.
Et depuis quelques mois, l’idée me trotte dans la tête et tourbillonne. Et donc, renseignement pris, il s’agit bien d’un chemin qui rejoint l’un des nombreux chemins pour aller à Saint-Jacques de Compostelle. J’avais lu il y a quelques années le fameux livre de Jean-Jacques Ruffin, Immortelle randonnée, qui m’a bien fait rire, et fait germer la graine du chemin de Compostelle.
L’an dernier, je suis partie marcher une journée avec une amie qui a fait un bout du chemin et me l’a raconté pendant que nous marchions. Je suis tombée à la librairie de L’Arbresle (U Culture en vrai, mais j’aurais préféré que ce soit dans une petite libraire indépendante…) sur le bouquin d’une « bloggeuse » sportive, qui raconte dans ce livre son chemin : « Le camino toute seule (enfin presque) » alors que j’étais en train de préparer (et souffrir) le marathon du Beaujolais : ça m’a définitivement donné envie de tenter ce chemin.
Ce qui serait nouveau pour moi, ce n’est pas tant de marcher ou de faire un effort physique un peu plus intense que d’habitude, mais de prendre plusieurs jours pour faire quelque chose seule. Ok j’ai déjà fait des stages de yoga et même un jeûne de cinq jours donc ce n’est pas complètement vrai. Mais c’est plutôt de partir sur les chemins, seule avec mon sac à dos. Cela me procure une sensation de liberté et d’aventure folle alors que c’est la pratique la plus basique qui soit : partir en marchant, tracer sa route.
Bref donc je suis allée fin février à une réunion des alcooliques anonymes:), en fait je croyais aller à une permanence des Amis de Saint-Jacques de Compostelle du Rhône, avec juste une ou deux personnes pour répondre à mes questions, et en fait c’est une grande réunion, avec un ordre du jour, et chaque personne qui vient dit ce qu’elle va faire : « Bonjour, je m’appelle Jeanne, j’habite Éveux, et je voudrais bien faire un bout du chemin de Compostelle depuis chez moi, jusqu’au Puy en Velay, en avril ou en mai ». Bon, on est mi mai, et je n’ai toujours rien fait. Enfin si, j’ai calé un créneau : ça sera entre le dimanche 18 juin et le vendredi 23 juin. Juste après la nuit du conte et juste avant la soirée de Zic Izy. Cela me fait 6 jours seulement, ça risque d’être court pour faire 160 kilomètres… J’ai enfin lu les documents qui m’ont été remis à la réunion et j’ai compris ce qu’est ce qu’on appelle le « Chemin Jean Biver » : c’est un chemin qui part de l’Arbresle et rejoint la via Lugdunum (le chemin qui vient de Lyon et même de Genève je crois) à Saint-Martin en Haut soit 32 km.
Ensuite, je serai sur une voie beaucoup plus passante alors que je pensais être sur un chemin secret pendant tout le trajet. Bref, donc prochaine étape c’est que j’ai rendez-vous avec Michel, qui m’a donné ses coordonnées lors de cette fameuse réunion, pour pouvoir discuter de mon projet et prendre tous les conseils et renseignements possibles. J’ai l’impression de rentrer dans une secte joyeuse où les gens sont ravis de passer du temps avec toi pour t’expliquer les choses. Rien que ça, ça me met en joie !
Lundi 22 mai : j’ai rendez-vous avec Michel Georger, rencontré la réunion de février. J’avais précieusement conservé son contact. On prend un café au bar du Super U (!) et il me livre tous les précieux secrets du Chemin : le credential, le kilométrage avec les gîtes ou autres endroits pour dormir sur le chemin de Biver, et ô magie, la trace du chemin qu’il a faite sur l’application Open Runner que je télécharge aussi sec. J’ai l’impression d’avoir franchi une énorme étape de préparation.
En partant du rendez-vous, je passe à la gare de L’Arbresle pour chercher la borne qui marque le début du chemin Jean Biver. Enfin je la trouve, joie intense, et je visualise le chemin qui serpente jusqu’à Éveux chemin des grands fonds. Je n’avais jamais vu les coquilles bleues alors que j’ai emprunté le chemin des dizaines de fois. C’est un peu comme si les écailles de mes yeux étaient tombées : »)
Une copine me donne de nouvelles chaussures de rando qui ,e lui vont pas : elles ont l’air pas mal mais un peu rigides et j’ai chaud aux pieds! Finalement je partirai sur 7 jours complets donc je sacrifie la fête de l’école pour pouvoir marcher du samedi 25 juin au samedi 1er juillet. Je vais mourir de chaud ! Mais tant pis, 27 km par jour sous 30 degrés quelle bonne idée !
Jour 1 C’est parti ! De Éveux à Yzeron
Finalement, je change à nouveau mes plans et c’est le samedi 24 juin, que je prends la route ! Semaine bien chargée je n’ai pas du tout eu le temps de me projeter sur le chemin. Vendredi 23 juin : je finis de boucler mes dossiers en cours le matin, je prépare mon sac à dos l’après midi puis on fonce au concert de mon mari, puis remise des médailles de gym de la fille, puis fête des voisins. J’ai l’impression d’être tout sauf prête.
Finalement je pars de chez moi accompagnée de ma mère et de mon fils, à 10h. J’ai opté pour mes baskets de trail finalement (décision prise le matin même), beaucoup plus légères que des chaussures de rando. On fait le chemin que j’ai déjà fait jusque Sain-Bel et je laisse enfant et maman derrière moi.
Route très goudronnée avec des voitures vers Saint-Pierre-la-Palud, ce c’est pas super agréable. J’ai réussi à me tromper de chemin mais je suis retombée sur mes pattes grâce à cette super application Open Runner qui me piste au pas près et sur lequel j’ai le tracé du chemin de Éveux au Puy-en-Velay.
Après ça je trouve facilement les coquilles bleues. Je suis en terrain connu : le col de crécy, la voie romaine, le château de Saint-Bonnet le froid, le col de Malval …. 700 mètres de dénivelé.
J’ai bien la dalle et je n’ai bizarrement pas pris de pique nique. Je m’auto-étonne… ma mère m’avait pourtant suggéré de prendre du pain et un bout de comté mais à 9h30 du mat, j’avais trouvé ça saugrenu. A 12h30 après 2h30 de marche je regrette amèrement de ne pas avoir avoir pris ce comté. Je mange une barre cacahuètes que j’avais prise en cas de coup dur.
Les 6 derniers kilomètres vers Yzeron sont hyper jolis : vue sur Lyon sur la gauche (j’ai l’impression de tourner autour du crayon) puis petits sentiers forestiers hyper jolis avec des gros rochers ronds type dolmen et un petit ruisseau. Un panneau parle d’une forêt druidique c’est exactement ça !
Dans mon corps, tout va bien, sauf un peu de fatigue. Dans ma tête c’est la fête 🙂 je ne suis pas encore déconnectée. Je pense beaucoup au boulot, j’ai trouvé un pitch de présentation qui m’est venu comme ça juste après Sain-Bel. Je pense à des articles à faire, je pense proposer à Lyon city Crunch la boucle L’Arbresle Yzeron Saint Martin (qui n’est pas une boucle) ou tiens pourquoi L’Arbresle Yzeron L’Arbresle pour les lyonnais en mal d’aventure de proximité.
Arrivée à Yzeron vers 15h30 j’ai heureusement pu acheter de quoi me sustenter à la boulangerie et au Vival avec un gros Perrier menthe au bar du village.
Puis direction le camping pour découvrir ma cabane à 10 euros la nuit (oui oui !). Ok la cabane sert d’espace de stockage mais il y a un petit lit confortable et le camping est hyper propre. Direction les sanitaires pour laver mes chaussettes. Puis pause lecture devant mon petit chalet. Puis douche et lavage de culotte, j’adore ces gestes simples dans ce petit camping verdoyant avec une vue de dingue.
Et là il est 18h46 je termine mon Panaché au petit bar, avant de rejoindre le camping pour faire un petit repas avec une quiche au légumes achetée chez le boucher, un avocat et tisane et petits gâteaux.
Jour 2 : d’Yzeron à saint-Denis sur Coise
J’ai passé une matinée en lévitation sur le chemin. D’abord j’ai passé une excellente nuit (ce qui n’est pas mon habitude quand je change de lieu), je me suis levée à 8h, pris un très bon petit dej salade de fruits (nectarine et avocat, miam) et tisane. Départ à 9h pour aller faire des courses au centre d’Yzeron et ne pas reproduire l’erreur de la veille de partir sans pique-nique : fougasse aux olives à la boulangerie, fruits au petit marché de producteurs adorable, café pain au chocolat en terrasse, j’adooore Yzeron ! J’ai kiffé ce petit camping vintage avec sa vue de dingue, je me dis que j’y reviendrai en famille dans le Tipi, avec balade à la cascade et Fantasticable, j’écris des articles dans ma tête : une journée à Yzeron, non un WE à Yzeron, non une semaine à Yzeron !
Mais bon c’est pas tout ça il est déjà 9h30 et je n’ai pas démarré ! Sacrée pèlerine ! Le soleil tape aujourd’hui mais le sentier est dans les sous-bois il est juste magnifique, je chemine, légère et reposée, je m’extasie des fougères, des oiseaux, des arbres, des genêts, les odeurs, le vent sur ma peau, je pense à plein de trucs, mon cerveau est en pleine lucidité, je me dis que c’est ça le chemin, des moments trop chiants et des moments de grâce, comme dans la vie quoi ! (Énorme moment de philosophie)
Et j’arrive à Rochefort et là je suis à mon climax de kiff : petit village fortifié adorable, coup de cœur absolu avec des petites déco de poulettes en tissus.
Je continue mon chemin sur le sentier pédestre du Vachon qui a été artifié, je me comprends, mandalaïsé même !
Quel bonheur quel bonheur ! J’arrive à Saint-Martin-en-Haut un peu avant midi. Je vais flâner à l’office du tourisme, mon lieu préféré, je refais quelques courses dans les petits commerces ouverts le dimanche matin : tomate, concombre, pain et fromage de chèvre. Je ne trouve pas de terrasse où me poser vu que les tables sont dressées en mode resto, et je ne trouve pas la ville hyper accueillante, donc je continue mon chemin en quête d’un lieu pour pique niquer.
Et je trouve l’endroit idéal une heure plus tard vers l’orée du bois, un petit étang, des arbres, de l’ombre parfait ! J’y étais venue avec Emeric et les enfants quand on avait fait la Route du Tacot en vélo. Je suis encore en territoire connu.
Je fais un point chemin et je me rends compte que je suis encore à 15 km de mon point de chute, Saint-Denis-sur Coise, et qu’il est 13h30. Bon c’est pas tout ça, mais il faut que j’arrête la flânerie.
Commence alors un looooong périple sous un soleil de plomb. Routes goudronnées, blés dorés, fermes, soleil, soleil, soleil je cuis. J’atteins Saint-Symphorien sur Coise, dit SymSym que j’ai découvert il y a quelques semaines. Je m’arrête visiter l’église, je me perds un peu, je flâne dans la ville, j’aime beaucoup cette ville même si tout est fermé en ce dimanche après-midi. Je rêvais de boire un Perrier menthe bien frais mais c’est un échec. Je remplis ma gourde d’eau fraîche aux WC publics c’est toujours ça.
Je découvre en repartant de Saint-Symphorien, au bord de la rivière, un très beau site d’escalade, je le note, à tester avec les enfants.
Je continue jusque Saint-Denis sur Coise où j’arrive enfin, limite chancelante. Bonne nouvelle : le bar restau est ouvert : le Perrier menthe devient réalité et j’en profite pour recharger mon portable car je dois appeler mes hôtes pour les prévenir de mon arrivée. Il me reste encore 20 minutes de route je n’en peux plus, je suis morte. Ils ne sont pas chez eux donc j’appelle quand je suis devant la maison et ils me guident pour que j’aille dans le gîte qui m’est réservé , une chambre, une cuisine une salle de bain c’est le luxe ! Je prends direct une douche avec lavage de vêtements en même temps ouf repos !
Jour 3 : De Saint-Denis sur Coise à Saint-Georges Haute ville
Super soirée hier avec mes hôtes Michel et Cécile que j’ai attendus pour dîner, à 20h, sur leur balcon avec vue de dingue. Repas frugal composé de salade de riz œuf dur tomates et fromage, le tout arrosé d’un petit rosé léger, parfait ! On a parlé voyages, famille, travail. Lui est agriculteur à la retraite, elle bientôt à la retraite, et ils font le chemin par petit bout à la journée en reprenant là où ils se sont arrêtés.
Je me suis couchée après 23h coquine que je suis du coup endormie tard mais bien dormi et j’ai rejoint mes hôtes pour le petit dej, toujours avec cette vue de dingue. Au menu deux œufs au plat et plein de tartines.
9h30 c’est mon heure de départ, embrassades avec Cécile, qui m’a tamponné mon credential, donc j’ai ajouté Yzeron selon son conseil, pour avoir la trace de mes passages. Je pensais que c’était un peu gadget mais dans certains gîtes ils le demandent.
Je suis beaucoup moins légère et allègre que la veille. Peut être la nuit courte ? Le rosé de Michel ? Ou le soleil qui tape déjà ? Je pars sur la route qui part de chez les Séon, dont la maison est pile sur le chemin. Et c’est parti pour une petite route bitumée à travers les champs, un peu vallonnée, côté Chazelle sur Lyon. Je vois deux randonneurs et c’est assez rare pour être signalé. Après plus rien, je serai seule sur le chemin.
Je me dis que le soleil tape dur, et puis sur le bas côté que vois-je ? Une casquette ! Tombée du ciel ! Noire, toute neuve, très jolie juste pour moi. Et je pense qu’elle m’a un peu sauvé la vie cette casquette.
Petit moment sympa dans les bois et vers 11h30,, j’atteins Saint-Galmier. Et là rien ne se passe comme j’aurais imaginé. J’entre dans l’église, je tombe sur une brochure anti avortement qui me donne la nausée. Je tombe sur un petit marché, je m’achète comme la veille une tomate et du fromage. Mais trop tôt pour manger je n’ai pas faim. Je pensais tomber sur une source d’eau (c’est le pays de la Badoit) mais non le chemin me fait sortir de la ville. J’hésite à rebrousser chemin pour retrouver le parc où j’imagine qu’il y a une fontaine mais je n’en ai pas la force et décide de poursuivre sur Rivas, à 7 km. Après Saint-Galmier, je me farcis une zone industrielle, des Lidl, des Intermarchés, des stations services. Je franchis même l’A89. Il n’y a aucune limite dans ce chemin de Compostelle ! Et des lotissements affreux c’est moche, c’est moche, c’est la France moche décrite dans un article de Télérama sur une expo photos de la France des ZAC et des lotissements.
Chemin faisant je me rends compte que je ne suis plus qu’à 3 km de Craintilleux là où j’ai réservé mon gîte, il est 13h je me dis c’est trop bête je ne vais pas m’arrêter de marcher maintenant, surtout que l’endroit n’est pas propice à la flânerie. Je fais une pause organisation, je sors mon guide rouge (vous en ai-je déjà parlé ? C’est LE guide à avoir !) et j’avise un autre point de chute. Je passe plusieurs coups de fil à des gens qui accueillent mais qui ne sont soit pas dispo soit je sens que c’est compliqué pour eux.
Bref je me résouts après moult atermoiements à opter pour le gîte communal de Saint-Georges haute ville. Deux problèmes cependant : 1/ je m’imagine dormir dans un dortoir pouilleux avec 5 mecs qui ronflent (mais je me dis qu’au moins je n’aurais pas apporté mon sac de couchage pour rien) 2/ ça me rajoute 14 bornes à mon itinéraire initial.
Je mange mon pain fromage tomates pomme et je reprends la route en me disant bon ben j’en ai encore pour 3 ou 4 heures. Et là commence l’après-midi la plus longue de ma vie (déjà que la matinée n’était pas folle) : la traversée de la plaine agricole du Forez.
Un sentier bitumé, et des champs, du plat, du soleil. Je traverse tous les champs de blé et de maïs de la région.
J’ai l’impression d’être un inspecteur des travaux finis agricoles : les foins, c’est fait, les vaches, ça roule, le maïs, ça pousse, le blé c’est mûr… c’est interminable. Je me crème à nouveau mais je sens que je crame et mes jambes se couvrent de nouveau d’urticaire au niveau des chevilles et des mollets (j’ai remarqué ce curieux phénomène la veille déjà) mon sac à dos me scie les épaules, mon short les hanches. Bref c’est pas la joie. Plus que 8 kilomètres. A un moment, je me dis tiens j’ai qu’à fermer un peu les yeux comme ça je dors discrètement. Mauvaise idée, ça marche pas.
Bon finalement vers 17h15 j’atteins Saint Romain le Puits. Des magasins sont ouverts j’hésite à faire des courses pour le soir, je me dis que je trouverai bien à Saint-Georges. Encore 3 km. C’est rien 3 km en soi, mais là franchement avec 26 km dans les pattes, c’est énorme. Je me dis tiens pourquoi cas ça s’appelle saint Georges haute ville? Serait ce en hauteur ? La réponse est oui ! En vrai je fais un peu la tête de devoir monter mais en fait c’est une excellente nouvelle : je monte et j’atteins un charmant petit village que j’aime immédiatement.
C’est la fin de la f…ing plaine du Forez et ça c’est vraiment vraiment bien ! Je m’étais dit d’ailleurs bon c’est plat j’avale cette plaine en une journée comme ça on en parle plus. J’appelle la nana du gîte. Il est 18h et je suis pas loin de l’agonie. Elle me rappelle en me disant qu’elle arrive. Ça dure 10 minutes, je cherche de l’eau je n’en trouve pas j’enlève mon sac j’ai une grosse douleur à l’épaule mes jambes boursouflées je n’en peux plus. Et là, la nana arrive avec son fils, me montre un magnifique bâtiment en pierre derrière l’église et voilà je découvre une grande pièce avec un lit de camp, une cuisine, une bouilloire! Une salle de bain ! et je suis toute seule. J’ai envie de danser de joie et de pleurer de douleur en même temps. La nana hyper sympa me fait signer la charte du pèlerin pour le gîte. Je lui demande où je peux acheter à manger, tout est fermé bon pas grave il me reste une fougasse et du concombre… et en fait elle me dit « j’habite à 50 mètres venez manger à la maison » bref trop cool une heure après son fils Camille vient me chercher, je suis lavée et crèmée je marche à deux à l’heure mais je suis le fiston pour déguster de très bonnes crêpes au jambon trop bien !
Et maintenant au lit !!!
Jour 4 : de Saint-Georges Ville Haute à Chapelle Lafaye
Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. Après ma journée galère de la veille, place à une chouette journée de randonnée avec un départ avant 9h, après une très bonne nuit de sommeil réparateur.
Je reçois un appel de Cindy qui me confirme que je peux dormir dans le gîte communal de La Chapelle en Lafaye cool ! Je sais que j’ai 20 km de route, c’est 9 de moins que la veille, et surtout dans un tout autre décor.
Me voici dans les Monts du Foret : des montées, des descentes, des chemins forestiers, de beaux petits villages perchés quel pied !
J’arrive à 11h30 à mi-parcours à Saint-Jean-de-Soleymieux, ou c’est jour de marché. Je prends quelques fruits (ou plutôt le marchand me donne une nectarine, puis un avocat, sympa, en me disant « Y’a rien de méchant » ben non je confirme c’est même très gentil) j’achète une part de pizza à la boulangerie et un dessert. Je pique nique à midi pile dans le jardin potager de la commune, avant de finir avec un petit café pain au chocolat et poire en terrasse.
Parfait je reprends la route pour quelques kilomètres avant d’arriver à Marols : quel ravissement ce petit village d’artiste ! Expo photos en cyanotype dans un jardin, sculptures, magnifique place pavée, petite école, très belle église, panneaux d’enfants déguisés en zorro pour un parcours mystère, café épicerie adorable : je kiffe tout !
Et en sortant de Marols stupeur je croise un mec avec sac à dos et coquille saint Jacques : mon tout premier pèlerin ! Allemand évidemment. Il me trace dans la montée en me lançant un « Bon courage! » Ça sera le seul et unique pèlerin que je croiserai sur ma route.
Je me rends compte que je marche à deux a l’heure. Mais ça me va bien. Il me reste 4 km à peine pour arriver à mon point de chute et la route est magnifique : dans les bois, entre rochers et ruisseau, fleurs et fougère. J’arrive un peu avant 16h à La Chapelle, je préviens la fameuse Cindy qui arrive quelques minutes plus tard. Je m’acquitte de 18 euros pour la nuit et je découvre un gîte encore plus joli que celui de la veille, avec grand jardin avec vue ! Magnifique ! Et je suis seule !!!! Et en bonus, Cindy me propose d’accéder a l’épicerie du village, tenue par des bénévoles, qu’elle ouvre spécialement aux hôtes. Je m’achète une tomate, du pain, de la confiture et du fromage.
A moi le gros plat de pâtes ce soir !
Jour 5 : de La Chapelle Lafaye à Chomelix
Petite nuit au gîte, j’ai eu finalement un peu de mal à m’endormir, j’ai quand même des démangeaisons dans les jambes avec ce faux urticaire et je me suis dit pour la première fois bon j’ai un peu envie de rentrer là …
Départ à 8h45 après mon traditionnel petit déjeuner nectarine avocat thé café tartines, avant 9h je progresse ! Magnifique sentier dans la forêt pour arriver à 9h15 à Montarcher magnifique petit village en pierre surplombant la vallée c’est juste d’une beauté à couper le souffle ! Il n’y a personne je suis seule au monde avec ces vieilles pierres et cette nature je suis émue.
Je continue mon chemin après moult photos et c’est joyeux, agréable dans les bois, au travers de grands pins, je croise des moutons, des vaches, des poules, un beau chien blanc, des pintades, que je salue, je chante à tue tête dans la forêt je suis seule je fais ce que je veux.
Arrivée à 11h45 à Usson en Forez je m’attelle à mon devoir : trouver un gîte pour ce soir. Le fameux point de parcours. J’ai parcouru 11 km il m’en reste 5 pour arriver à pontempeyrat ça fait court en plus personne répond je laisse des messages, personne ne me rappelle. Flûte zut crotte, je rappelle par erreur les gens ou je devais aller hier si je m’étais arrêtée à Marols comme prévu et que j’avais totalement zappé je suis doublement honteuse. Bref finalement je me dis allez je poursuis jusqu’à Chomelix et là, la magie opère : voix hyper gentille qui me dit, oui je vous accueille pas de problème, me propose repas et petit dej, m’indique la route avant de conclure : de toute façon si vous ne trouvez pas demandez la maison de la dame aux lamas et on vous indiquera ! Voilà donc ce soir je dors chez la dame aux lamas !
Comme d’hab j’arrive en ville trop tôt pour avoir déjà faim et manger. Je flâne un peu et avise le seul bar resto ouvert pour un traditionnel Perrier menthe. Usson n’est pas la ville la plus riante que je connaisse. Il y a deux boulangeries toutes deux fermées le mercredi avouez que c’est ballot. Et le resto ne sert qu’un menu complet avec sa carafe de rosé. Je m’assure de l’existence d’une boulangerie ouverte et je pars au bled d’après, situé à 7 km. J’y arrive à 14h, la boulangerie est une sorte de charcuterie boulangerie épicerie qui donne chez les tenanciers.
Je me prends un bout de pâté en croûte et une tomate et je vais m’installer au bord de la petite rivière. Trop bon spot, je pensais pouvoir m’y tremper les pieds mais c’est plein de hautes herbes et de boue, merde ! Mes pieds et chevilles recommencent à me brûler sévère. Je retourne à la boulangerie qui fait aussi du café : la tenancière m’invite à la suivre dans sa cuisine où je prends mon café direct dans la cafetière avec une part de flan. Improbable et un peu loufoque la tenancière étant elle même comment dire ? Typique ?
Je redescends sur ma table de pique nique pour être pile a 15 h prête pour une visio avec un potentiel client qui part en vacances la semaine prochaine donc pas le choix. Ils ont droit aux bruits des oiseaux et aux aboiements des chiens parfait.
16h : il est grand temps de reprendre la route jusqu’à mon point de chute : il me reste soit disant 7 km donc je me dis à 17h30 18h j’y suis mais en fait j’arriverai à 18h45. Pourquoi ? Parce que ma table des distances ment et que mon gps lui dit que j’ai fait en tout 32 km. En soit rien de grave mais c’est un chemin à fond dans les hautes herbes et je crois que le pb vient de là : je pense que je fais une sorte d’allergie aux hautes herbes et là je m’en suis repris triple dose avec des orties en plus, mes jambes me brûlent c’est horrible. Mon portable n’a presque plus de batterie donc je flippe car j’en ai besoin pour trouver la maison de la dame aux lamas, les derniers kilomètres sur le bitumes sont interminable et j’arrive chez Michèle à la limite de chez limite. Je tombe nez à nez avec son lama ! Qui était entré dans le garage tout simplement j’hallucine un peu mais je n’arrive pas à m’attarder sur le lama car je veux passer de l’eau froide sur mes jambes et enlever mes baskets l’enfer total.
Mon mollet droit est couvert de cloques c’est la cata. Je suis un peu limite je chiale. Michèle est adorable et me file des poches de glace et de la crème anti démangeaisons. Il n’y a pas de pharmacie avant Saint-Paulien où je suis sensée n’aller qu’après demain ! Vive la campagne ! Du coup que faire ? Je ne sais pas je ne sais plus j’ai l’impression de devenir un peu fébrile donc je verrai demain comment je me sens mais il est possible que je rentre à la maison tout simplement !
Jour 6 : Saint-Paulien, c’est bien !
Dernier jour alors que cela devait être l’avant dernier…
Hier quand je suis arrivée exangue chez la dame aux lamas j’ai un peu flippé pour mes jambes et ouvert la possibilité d’arrêter plus tôt. J’ai appelé Emeric qui m’a dit qu’il pouvait venir me chercher le lendemain ou le surlendemain.
J’ai passé une très bonne soirée et une très bonne nuit et le lendemain ça allait bien. J’ai commencé à marcher et alterné entre plusieurs scenarii dans ma tête. Ce qui est sûr c’est que ça serait ma dernière journée. Envie de rentrer à la maison. De même que l’envie de se lancer sur le chemin est irrationnelle, celle d’arrêter l’est aussi.
J’ai marché les 20 kilomètres qui me séparaient du fameux Saint-Paulien, village embaumé par la senteur des roses, odeur que j’adore, où je suis arrivée à 14h. Je suis passée par le Gîte la Bergerie à Le Cros, 3 km avant saint-Paulien où j’aurais du passer la nuit. Ça a l’air hyper joli et hyper sympa. Mais j’ai donc annulé et la dame a bien compris la situation.
Le sentier était relativement facile car plutôt en descente et pour les hautes herbes j’avais protégé ma jambe gauche avec une sorte de gaine pansement donnée par la dame aux lamas.
Du coup à saint paulien j’ai fait ma pause Perrier menthe à l’hôtel restaurant des voyageurs le bien nommé et j’ai mangé la part de pizza achetée à la boulangerie de Chomelix.
A 15h je me suis dis en vrai tu n’es 15 km du Puy en Velay, Emeric arrive à 18h, tu as largement le temps de terminer. Largement n’exagérons rien. Mais le temps. Prête à repartir et puis je me suis dit en même temps si j’arrive au Puy en Velay et que je n’ai pas le temps d’explorer et de découvrir à quoi ça sert ? Sans compter qu’après 20 km sous le cagnat est ce une bonne idée d’en rempiler pour 15 et finir sur le flan ? Ou alors passer la nuit là bas et rentrer le lendemain ? Oui mais non, j’ai envie de rentrer aujourd’hui et pas demain c’est comme ça. Pendant le chemin j’ai eu le temps d’imaginer aller jusqu’au Puy en me disant incroyable dernier petit exploit pour finir en beauté mais c’était quand j’étais encore fringante au début de la journée. Donc bref, j’ai pris la décision de rester à Saint-Paulien en attendant Emeric le pauvre qui va se taper un aller retour Lyon – saint-Paulien mais vraiment j’ai essayé de trouver un moyen d’aller au Puy et non rien à faire (à part à pied et mourir :))
Je suis allée dans la pharmacie de Saint-Paulien (la seule des environs) et la pharmacienne avait l’air assez sûre qu’il s’agissait de piqûres d’insecte. Et qu’effectivement c’était très gonflé. Je profite des deux dernières heures à Saint-Paulien pour finir mon bouquin et faire un petit bilan à chaud de mon aventure.
Qu’est ce que j’étais allée chercher et qu’est ce que j’ai trouvé ?
J’ai découvert ce qu’il se cachait derrière chaque coquille : un bout de chemin supplémentaire, et que c’est un chemin sans fin, j’ai découvert l’appli open runner qui m’a permis de garder le cap sans aucun problème et pourtant je ne suis pas la meuf la plus geek. J’ai découvert le principe de l’accueil jacquaire, une sorte de RbnB formule initiale où des gens t’accueillent chez eux en toute simplicité et en général avec une extrême gentillesse. J’ai découvert que je pouvais marcher longtemps (151 kilomètres) avec mes baskets Hoka sans avoir d’ampoules. J’ai découvert que je pouvais faire de drôles de réaction aux piqûres d’insectes (et/ou aux hautes herbes).
Et que j’ai méga bien géré la préparation de mon sac à dos car il y a une seule chose qui ne m’a pas servie : mon KWay et une seule chose qui m’a manquée : un petit pique nique le premier jour mais même pas. Je fais une spéciale dédicace à Angélique Boucé et son stage yoga et aventure durant lequel j’ai commencé à ouvrir quelques portes de l’aventure notamment préparer son sac à dos et télécharger son itinéraire.
Ah oui et j’ai découvert que ça ne me dérangeait pas d’être seule de temps en temps mais que quand même j’aime bien vivre en famille. Sinon je me parle a moi même et au bout d’un moment c’est chelou. Et que en tout cas partir seule (en France) ne me faisait pas peur. Et donc que désormais si je continue le chemin un jour, c’est de Saint-Paulien que je repartirai.
J’adore vos impressions du chemin Jeanne…. Elle sont rafraîchissantes.
G Michel
Roh je suis émue aux larmes en terminant cette lecture. Partir de chez soi, les pensées qui tournent en boucle, les moments de pleine présence, le regard qui s’ouvre alors à la merveille !, les rappels du corps (et qu’il est créatif ce corps pour se rappeler à nous), les rencontres qui soutiennent, le réconfort de l’abri et le repos !
Bravo Jeanne pour cette semaine pleinement vécue et merci beaucoup pour ce partage écrit.
Un style d’écriture à part. Agréable, léger et plein d’humour. Pour avoir fait différents Chemin de Compostelle (4000km) je ressens à la lecture tous ces moments d’intense solitude, de doutes mais aussi de formidable joie dans les rencontres, et aussi cette solitude qui nous pousse à l’introspection. Félicitations.
J’ai écrit (avec plein de photos) sur le Puy/Roncevaux – Roncevaux-Cap Finistère et actuellement je rédige mon plus beau chemin Bayonne/Cap Finistère que je pense terminer en fin d’année. Merci pour ce récit qui m’a énormément plu.
Claude.bourdin@neuf.fr
Je peux t’envoyer mes écrits par Wetransfer
Love it !! Ça donne envie
Je ne sais pas si ça m’a donné envie de mener mon envie à son terme… mais j’aurai fait un bout de chemin avec toi du coup.
La prochaine fois que l’on se voit ce sera autour d’un Perrier menthe et d’une salade de tomates 😜.
Quel plaisir de partager cette belle et inspirante promenade, bien assis dans mon fauteuil.. j’avais oublié à quel point il était confortable (!) Bravo Jeanne, et merci pour ce moment de lecture plein d’humour et de bon sens, on en redemande.